Un Seigneur venu du Froid...

La bataille faisait rage.

La plaine de Lock Téharän résonnait de mille fracas, tandis que l'astre diurne, dans toute la splendeur de sa robe matinale, gardait une sorte de sourire impassible, se targuant de l'immuabilité qui était la sienne. Les hautes cimes de la forêt de Silbar surplombaient le carnage, comme passablement choquées par les flots de sang qui rongeaient inlassablement leurs noueuses racines depuis maintenant huit jours. Au loin, perdues dans les sombres lueurs de l'Est, les Montagnes du Destin dressaient leurs pics enneigés, tels une vague menace, une déchirure dans l'immensité de l'azur.

Les deux armées s'entremelaient en un chaos destructeur. Les Hautes Montures des Feydabär perdaient ainsi du terrain, tandis que les Betes Noires, vulgaires amas de boue perchés sur leurs Lions de flammes menaient un train d'enfer et se rapprochaient inlassablement de la passe de Drechne ou tronait la légendaire citadelle de Sïgmaril. Derrière, les Vertes Contrées avaient perdu leurs couleurs printanièrers et attendaient, non sans une certaine angoisse, l'issue, le triste dénouement de cet assaut dénué d'espoir.

Et le massacre continuait, vecteur d'un vent de mort de mort effroyable...

Soudainement, alors que les Betes Noires menaient une cadence effroyable, tranchant les tetes et les bustes avec une efficacité redoutable, le ciel sembla s'ouvrir en deux. Une vaste clameur monta des falaises, et sembla s'enrouler autour de la voute nuageuse, avant de redoubler d'ampleur. Durant un court instant, la folie de la bataille sembla se tarir, et l'ensemble des belligérants tournèrent leur regard vers le soleil.
La, seul et fier, monté sur un destrier de combat, se tenait un homme colossal, dont la stature aux larges épaules semblait masquer la quasi-totalité de la lune naissante. Levant verd le ciel un énorme marteau, et comme mu par une énergie incroyable, il poussa un hurlement colossal, tandis que sa monture se cabrait avec fougue:

-Pour le Nord! Pour la Liberté!

A cet instant précis, le sol sembla se soulever en une gerbe titanesque de poussière, et un nombre inconcevable de cavaliers jaillirent de l'escarpement, recouvrant la plaine et masquant intégralement la lande.
Les Feydabär poussèrent un colossal et unanime rugissment de fierté, et scandèrent sans plus attendre le nom du seigneur de guerre. Un seigneur venu du Froid, pour redonner un brin de chaleur et d'espoir au peuple des Vertes Contrées.

-BelgarionDeRiva! BelgarionDeRiva!

Ramrod fut ému par la beauté de l'histoire du nouvel arrivant, qui lui rappelait avec distance certains récits mythologiques, perdus dans ses mémoires.
Quand l'homme se tut, il s'approcha à la suite de la doyenne, et lui prit chaleureusement la main, souriant.

Bienvenue en Aëringor, colossal seigneur. Je me nomme Ramrod, bienveillant des Ateliers. Sois rassuré de rencontrer ici foule de personnes qui te feront bon accueil. En espérant que tu te plaises ici, permet-moi de me soustraire à ta vision ...

et Ramrod tourna les talons, afin de laisser l'arrivant contempler lui-même les beautés enfouies en Aëringor.

BelgarionDeRiva tourna son regard vers le ciel.

-Merci, chers amis, pour cet acceuil chaleureux. Mes exploits ne sont plus que ruines, désormais, et mon nom n'est plus chanté depuis bien longtemps. Le temps des Sagas est révolu. Je ne suis qu'un homme fatigué. L'heure pour moi est venue de me poser, de méditer, et de découvrir les merveilles d'Aeringör...

D'un pas confiant, le vieil homme a la forte carrure pénétra de plain pied dans l'Académie.