Froid...
Seul dans cette immensité blanche et glacée, je comprends enfin pourquoi la couleur de la pureté est aussi celle de la froideur. D'épaisses lunettes, rappelant celles de plongée, couvrent mes yeux endoloris par tant de lumière ; la seule différence réside dans l'indice de protection et dans la présence de fourrure sur le pourtour.
Je respire profondément l'air chargé de cristaux de givre au travers d'un épais cache-nez, lui aussi de fourrure. La vapeur qui s'échappe de ma bouche tandis que j'expire gèle immédiatement et retombe en volutes de poussière miroitante, et j'admire ce phénomène ouvertement, comme replongé en enfance.
Levant les yeux vers l'horizon, je cherche celui-ci et mon regard se perd. Presque à la verticale, je peux apercevoir les nuances d'ombres dans les nuages, et à mes pieds, peut-être un peu plus loin, la neige sur le sol forme des reliefs et d'autres nuances de blanc. Mais entre les deux, tout est uniforme : en face de moi, la tempête de neige confond terre et ciel en une masse mouvante et indéfinissable.
Je souris. Les nombreuses couches de vêtements chauds, de dernière technologie, maintiennent mon corps à une température acceptable malgré la transpiration omniprésente, et je n'ai pas peur d'elle. Elle rugit d'expectative, au loin ; elle est inconsciente et aveugle, mais meurtrière et toute-puissante. Pour exister, je dois la traverser, alors c'est à elle que je souris. J'enlève mon cache-nez, exposant mes dents et ma barbe blanches à cet enfer de glace.
Dans ce vaste désert, dans ce néant de vie, j'évolue lentement vers mon destin. Peut-être, dans quelques heures, mon corps reposera-t-il sous la neige, aussi glacé que cet océan de flocons qui m'entourera. Qu'importe ? Toute la chaleur du monde est en moi : je suis vivant.