L'homme au visage impassible retira le cigare havanais de sa bouche en levant les yeux pour parcourir du regard la salle enfumée. Il était adipeux mais semblait musclé dans son costume blanc coupé avec élégance, et son crâne luisait sous la faible lueur des plafonniers alors qu'un nuage épais s'échappait avec douceur d'entre ses lèvres charnues. Passant lentement sa langue sur les quelques gouttes de sueur aux coins de sa bouche, il sourit petit à petit, découvrant deux rangées de dents parfaitement alignées. Il avait un petit morceau d'herbe coincé entre deux incisives.
Le Mexicain sourit à son tour, une lueur maléfique dans l'oeil. Le gauche, en réalité : le droit était couvert par un bandeau noir à l'esthétique contestable. Sa cicatrice – passant sous le bandeau – se tortilla tel un dragon rouge vif en proie à une envie pressante ; il ne découvrit pas les dents, augmentant l'impression de menace en défigurant définitivement son visage couturé par un rictus épouvantable. Eût-il écarté les lèvres, ne serait-ce qu'un instant, ce dernier aurait été fatal à tout dentiste témoin de l'ignominie buccale. Mais le dernier dentiste du Mexicain s'était noyé dans son propre sang, une roulette plantée dans la poitrine, une dent sur pivot en or plaqué dans la gorge. Lorsque le Mexicain demande du 18 carats, on ne lui pose pas de la pacotille.
Alphonse ne sourit pas. Il regarda longuement la table, ainsi que chacun des hommes autour. Derrière eux, leurs gardes du corps, impassibles, rigides, se fondaient dans le décor avec concentration et l'imposant homme d'affaire ne les voyait pas. D'épaisses lunettes noires cachaient de petits yeux noisette, vifs et fuyants, et un chapeau de feutre large couvrait, quant à lui, une calvitie naissante. Les bords de tissu noir étaient assombris davantage par l'humidité qui dégoulinait de temps à autre depuis les tempes jusqu'à l'arrête de la mâchoire, d'où elles s'écrasaient sur la protubérance de la veste formée par un Python 357 Magnum 8 pouces rangé dans son holster. Un tic nerveux secouait de tremblements l'oeil droit d'Alphonse, ce qui faisait glisser inexorablement les lunettes le long de son nez.
Le quatrième homme souriait depuis plusieurs minutes déjà, décontracté. Son Tee-Shirt taille large moulait son torse massif, sur lequel aucune goutte de sueur ne troublait le motif. Ses longs cheveux blonds-roux retombaient en cascade sur des épaules sculptées par des muscles saillants. Même assis, il dominait de plusieurs centimètres Alphonse, pourtant une force de la nature. Il sortit lentement, presque sensuellement, une cigarette du paquet posé sur la table et l'alluma dans un geste fluide. Soufflant délicatement la fumée fine, il plongea son regard dans celui des trois hommes, tour à tour, avec défiance.
« Dis donc, pétit, tou té fous pas dé notre gueule ? Tou té prends pour qui, Diou lé Pére ? » lança le Mexicain, rompant le silence après s'être brusquement penché sur la table. Le mouvement n'avait pas échappé au garde de l'immense inconnu, qui resserra sa prise sur la hache à double tranchant qu'il tenait, faisant grincer le parquet. Mais son patron leva la main, l'arrêtant.
« Laisse. Ils pleureront bien assez tôt. »
Levant l'autre poignet, il le détendit d'un mouvement brusque d'une puissance et d'une précision inhumaines. Le projectile qu'il tenait parcourut la courte distance en une fraction de seconde, percuta sa cible, rebondit avec grâce avant de percuter la seconde cible de plein fouet. Coïncidence impossible, le choc entraîna le morceau de métal en un arc parfait qui le fit s'écraser directement sur la troisième cible avec un bruit creux de fin du monde.
« Triple Caps, annonça Barney aux autres participants, effaçant les ébauches de sourires. Ben quoi, je suis peut-être pas Dieu le Père, mais je suis Prophète, non ? »
[HRP] Bon, ça parle de versets, d'apôtres et de prophètes, mais c'est un texte posté sur le forum de la FAIM, au départ une alliance pacifiste sur Ogame uni 10. C'est devenu un repère de timbrés de tout poil - c'est la première alliance d'ogame rencensée abritant en son sein un groupuscule d'activistes anti-ogame - et l'Empire devait se doter d'une religion : le Culte Alcooloboulimique, constitué à ce jour de 4 membres, dont le Prophète, deux de ses meilleurs amis et la fiancée de l'un d'eux. Merci aux puristes religieux d'aller péter un câble ailleurs, et aux cyber-flics de ne pas prendre le mouvement au sérieux, on a déjà eu une descente de la CIA pour un souci de papier peint, ça fait désordre. [/HRP]