Oomph!
C'est quoi cette vieille gueule de bois, là? Pire même. L'impression, à présent vécue, qu'un trente tonnes a dansé la java sur chacun de mes membres jusqu'au bout de la nuit.
Le dos en vrac, mes côtes me font atrocement mal, mes bras se retrouvent accrochés en l'air, insensibles à tout, et pourtant ils doivent perser, aux vues de la quantité de plâtre ornant chacun d'eux.
Tiens j'y pense. Pareil pour mes jambes. Elles se sont barrées où, celles là?
Je bouge mon cou, pour essayer de les apercevoir, même sous ma couverture. Je prends conscience de la minerve qui me maintient les cervicales. Et pour cause. Mon bref mouvement me soumet à une douleur perçante dans la nuque. J'essaye de geindre comme un mioche capricieux, mais ma machoîre, à son tour, me laisse tomber. Et si je forçais, elle pourrait bien partir en morceaux, comme le reste de ma carcasse, qui sait?
Je suis déjà à moitié dans le coltar, les bras percés sous mes plâtres, je prends ma dose de médocs, histoire de m'assommer comme il faut, pour pas que je derange de trop aides soignantes et infirmières surement.
D'ailleurs, qu'est ce qu'ils foutent, là? Je suis bien aux urgences, pas en maison de retraite.
J'ai la tête dans les nuages, alors qu'elle devrait peser un bon quintal et bouillonner comme jamais auparavant. Je vais y rester, c'est ça? Mais foutez moi une balle. Me laissez pas souffrir comme ça, crever a petit feu en agonisant lentement pour que dalle, enterrez moi une bonne fois pour toute, si c'est ce qu'il doit m'arriver.
Ah!! Enfin !!
Quelqu'un qui se présente. Une infirmière. Plutôt jeune, l'air timide. Elle vient relever le niveau de ce qu'ils m'injectent depuis Dieu sait combien de temps. Elle doit pas avoir l'habitude de cotoyer des patients, vu qu'elle essaye même pas de faire la causette, pas un regard, pas une parole bidon, rien.
Ah si!! Elle a tenté un regard, que j'ai de suite intercepté. Manque de chance, ma belle! Elle a vite fait de se détourner et de mettre les voiles, en tout les cas. Pas un bonjour, un au revoir. Une chambre à visiter, voilà tout ce que je suis devenu.
A croire que la détresse est contagieuse, j'entends les gémissements mêmes que j'aurais voulu pousser, résonner dans la pièce d'à coté.
Celui là, il en a completement marre de vivre. Il soupire, il geint, il gémit, il grogne... Il est au bout du rouleau le pauvre vieux. Et moi qui m'en faisait, alors que je viens seulement de me reveiller.
Tiens. Un grand gaillard en blouse qui entre dans ma chambre, avec un petit porte document. Celui est tout sourire. Un sourire condescendant. Oh bordel, que je n'aime pas ça.
D'un coup, je peux plus me retenir, je fais sortir la question que me taraude dans le citron depuis tout à l'heure
" 'oc'eur, est 'e 'ue 'e 'ais 'ourir?"
articulais je du mieux que je pus sans toutefois pouvoir bouger cette foutue machoire. Il a un sourire géné. Finalement il me dit que non. Puis son regard change, devient fuyant. Y'a quelque chose qui cloche c'est sûr.
Je comprends le tout quand, d'un ton faussement joyeux, il me demande comment vont me mes membres.
Je pensais que j'allais mourir. Finalement, j'en ressortirais de ce foutu hopital. Mais pas tout seul. Et pas sur mes deux jambes.
Quel merde!!