Le Vagabond Bienveillant Supérieur.
Nombre de messages : 795 Age : 33 Style Littéraire : Tout ce qui m'inspire Animal représentatif : Le Loup Passion : Fumer ma pipe au pied d'un arbre... Date d'inscription : 28/03/2007
| Sujet: Il est 8h du matin... [Tragique] Mer 5 Sep - 15:52 | |
| Il est 8h du matin à l’Hôpital Croix Saint-Simon, Paris. Le soleil se lève à peine, frileux d’un hiver approchant à grandes enjambées. Le centre vient juste d’ouvrir aux visites, et pourtant, Marc est déjà là, assis, dans la chambre de Yoann, son fils… Marc a 43 ans, marié, un fils unique, il travaille dans l’aménagement d’intérieur. Sa boîte ouvre dès 7h30, cependant, voilà un mois qu’il ne s’y est pas rendu. Un mois déjà, pourtant il a l’impression que ça s’est passé la veille à peine…
C’était le second samedi de Septembre. Yoann s’était une nouvelle fois disputé avec Marc, pour une broutille, comme souvent d’ailleurs. Il a préféré sortir avec des potes, pour se changer les idées… Son père n’a jamais su totalement ce qu’il s’était réellement passé ensuite, la seule certitude, c’est qu’il a traversé, il n’a pas vu la voiture, elle non plus d’ailleurs… La dernière chose qu’avait vu le jeune garçon, c’était le visage d’une des passantes, une jeune fille, lui ayant tapé dans l’œil. Depuis ce moment là, c’était le début du tunnel, qui ne semblait pas avoir de fin...
Marc se présentait tous les jours à l’hôpital, dès les premières minutes où l’accès était autorisé. Du coup, il perdait le goût de travailler, un boulot qu’il affectionnait pourtant, mais jamais depuis l’accident, il ne s’était présenté de nouveau à son bureau… Il se levait, allait à l’hôpital, ne mangeait presque pas là-bas, puis lorsque l’établissement fermait, il s’en allait à la « Guérinette », un bar populaire à moins de cinq minutes de Saint-Simon. Il y buvait toujours la même chose : un Scotch, deux glaçons. La première semaine, il en prenait un, deux au maximum… La veille, il dépassait le sixième verre, avant de se faire ramener par un voisin, habitué lui aussi. L’alcool était devenu un vrai problème depuis lors. Il ne trouvait aucun autre moyen pour noyer son chagrin, noyer ses regrets… Si toutes ces soirées passées au bar atténuaient sa peine, elles détruisaient par la même occasion son couple, lentement certes, mais sûrement. Victoria, sa femme depuis dix-neuf ans, songeait à le quitter, lui et son Scotch, lui et ses regrets, lui et cette vie…
Marc était encore plus en colère après lui-même qu’après qui que ce soit. Il se reprochait toute la faute à lui-même, ce qui ne faisait qu’accentuer sa détresse… Le remord le rongeait… Et s’il n’avait pas disputé son fils ? Et s’il ne s’était pas emporté pour une « connerie » ? Pour Marc, pas de doute, si son fils était dans le coma, c’était entièrement de sa faute.
Bien sûr, dans son entourage, on a tenté de le déculpabiliser, mais lui préférait s’entêter, s’enfermant peu à peu… La veille, il avait eu une discussion avec le médecin en charge de Yoann. Il dut alors écouter ce qu’il craignait de devoir entendre. Il devait concevoir la vie sans son fils, « tourner la page » comme on dit. C’était sans doute pour cette raison qu’il est resté plus longtemps qu’à l’accoutumer au bar, il avait besoin de penser, ou peut-être d’oublier, qui sait… On lui avait suggéré de débrancher son fils, de mettre fin à son calvaire, à ses souffrances, de le tuer. S’il n’était pas éveillé, son organisme ressentait cependant la douleur. « Ce genre de situation n’est jamais simple à assumer » selon le médecin, mais le malheureux ne pouvait à aucun moment imaginer la détresse de Marc. Sa femme, elle, semblait être parvenue à tourner la page, plus facilement en tout cas, ou peut-être était-ce ce qu’elle voulait laisser paraître.
Aujourd’hui, Marc est entré dans la chambre de son fils, comme il le fait depuis un mois… Il s’approche de la fenêtre, située aux côtés du lit de Yoann, pour y contempler le Soleil, encore timide en cette heure si matinale. Il se retourne vers l’intérieur de la chambre, s’assit à la chaise, comme il le fait depuis un mois… Il regarde son fils, les yeux clos, inanimé, pourtant toujours vivant, grâce à toute une machinerie, dont le fonctionnement lui échappe totalement. Il frotte son front jusqu’à porter sa main dans ses cheveux, comme il le fait depuis un mois… Et pourtant, aujourd’hui, Marc semble bien plus grave, bien plus pensif. Il savait ce qu’il voulait faire, et il devait le faire, pour aller de l’avant, pour se sauver. Son cœur battait à grande vitesse, une boule se formait dans son estomac, signe d’une angoisse perceptible. Il s’approche de son fils, se place au dessus de lui, le contemple, esquisse l’ombre d’un sourire, trahissant les multiples souvenirs qu’il se remémorait… Son premier rire, sa première parole, son premier vélo, son premier copain, sa première petite amie, sa première engeulade aussi… Une pointe de nostalgie, témoignant d’un temps qui passe vite, toujours vite, toujours trop vite.
Marc se relève, recule, l’œil humide. Il ferme son regard, avale une grande bouffée d’air frais avant de se diriger vers la porte. Il se baisse alors, puis arrache rageusement les fils de l’assistance médicale, vitale à la survie de son fils.
Il franchit enfin la porte, larme sur la joue, symbole d’une vie à jamais brisée…
Dernière édition par le Mer 26 Sep - 19:05, édité 2 fois | |
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kallista Elève.
Nombre de messages : 92 Age : 33 Style Littéraire : je cherche en vain...Ce dont je me tue à trouver Animal représentatif : le tigre de sibérie Passion : Ogame, Livre, Tennis, Les RP et poèmes Date d'inscription : 22/08/2007
| Sujet: Re: Il est 8h du matin... [Tragique] Mer 5 Sep - 19:03 | |
| très bon texte, qui fait emouvoir mon petit coeur. Plume sensible et gracieuse. Bonne continuation. M. Le Vagabond | |
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Zaliara Doyenne de l’Académie.
Nombre de messages : 215 Age : 35 Style Littéraire : Fantasy Animal représentatif : Lynx Date d'inscription : 03/04/2007
| Sujet: Re: Il est 8h du matin... [Tragique] Mer 26 Sep - 18:56 | |
| Bon, je ne m'attarderais pas sur la forme.... comment dire.... peu joyeuse... Alors le fond: plus on avance dans la lecture, plus le niveau des émotions monte... Ce flot de sentiments nous emporte sans que l'on puisse vraiment l'arreter. Il nous porte, nous transporte et nous noit totalement dans l'histoire qu'il raconte. Ce flot de sentiment de paire avec la situation au combien réelle ne peut que nous toucher en plein coeur. Comme toujours et comme tout tes textes d'ailleurs, presque je le trouverais parfait.... Mais la perfection n'est pas possible sur Terre et puis ça serait bien dommage si ça l'était non? Enfin tu montre aussi très bien dans ton texte que les hommes préférent se saouler que de parler de leur problèmes.... Quand ils auront compris que parler peut faire du bien, le monde se portera surement bien mieux! Tout ça pour dire que ça ajoute à la réalitée transperçante et prenante de ton texte. A quand un texte aussi prenant sur la joie de vivre, le bonheur, l'amour ou je-ne-sais-quoi-d'autre mais un peu plus joyeux? :p Au plaisir de te relire mon ami! | |
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alban flèche d'argent Habitant de la Ville Moyenne.
Nombre de messages : 665 Age : 33 Style Littéraire : Il en existe autant qu'il y a d'auteurs, comment les définir ? Animal représentatif : Tigre blanc Passion : rêver d'espoir, parler de desespoir Date d'inscription : 11/04/2007
| Sujet: Re: Il est 8h du matin... [Tragique] Mar 2 Oct - 12:01 | |
| Joli texte, vraiment. Comme toujours en fait ^^ Cela en est presque embettant... Tu peux pas faire mieux que parfait pour voir ? Non. Sans rire (oui, cela m'arrive ^^), je te dis bravo et surtout, continnue comme cela masi bon, comme le dit Zaliara, un petit peu de cette qualité dans les textes joyeux serait parfait ^^ ce n'est qu'un avis of course...
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