* * *
Les essuie-glaces faisaient un bruit sourd en raclant la vitre, écartant pour quelques secondes les trombes d’eau qui s’abattaient sur le véhicule.
La limousine filait dans la nuit, les phares allumés, dans un silence juste troublé par la pluie qui tambourinait sur la carrosserie.
L’aide de camp émergeait lentement de la torpeur profonde dans laquelle il était tombé il y a …il se rendit tout juste compte qu’il ignorait combien de temps il était resté inconscient.
Son regard fit le tour de l’habitacle spacieux.
Il était allongé sur la large banquette arrière, et son regard passait en premier lieu sur le dos du chauffeur, Lyod Jon, petit homme discret et efficace dont les services étaient très appréciés.
Ensuite il tourna péniblement la tête vers la gauche. Syllas était là, le coude, soutenant sa tête, posé sur l’accoudoir, le regard errant dans le vide pluvieux. Il n’avait pas remarqué que le lieutenant fût réveillé.
Finissant de se tordre le coup, Gregorius jeta machinalement un coup d’oeil de l’autre côté. Mais là, il y avait quelqu’un aussi.
Vêtue des vêtements déchirés, le casque abîmé retenu par ses mains griffées et tremblantes sur ses genoux, la motarde dormait. C’était une femme encore assez jeune, mais son visage semblait tellement fatigué et abîmé qu’il devait y regarder à deux fois pour en être certain : Ses cheveux étaient fantastiques ; ils étaient d’un blanc neigeux, une couleur qu’il n’avait jamais vu, tellement pure…. Une giclure de sang séché maculait son visage au niveau d’une cicatrice profonde dans la joue. La bouche était entrouverte et ses lèvres frémissaient légèrement.
Remettant ses idées en ordre, le lieutenant se redressa péniblement. C’est juste à cet instant là que Syllas avait réagit :
-
Vous vous êtes réveillé, constata-t-il froidement, sans même lui accorder un regard.
Finalement Oresson s’effondra contre la banquette et demanda à voix basse, mystérieusement épuisé lui aussi :
-
Amiral…que c’est-il passé ?L’autre ne répondit pas tout de suite, laissant s’écouler de longs instants :
-
Je vous aie ramené avec l’aide de monsieur Jon dans la voiture, puis j’ai fait de même avec la jeune femme que vous voyez-là.-
Pardonnez-moi, excellence, mais que c’est-il passé avant ? Quand je me suis évanoui ?Cette fois-ci la réponse fut prompte, véritablement abrupte :
-
Il ne s’est rien passé.
Ce ton, le lieutenant le connaissait que trop bien. Il était sans réplique. Laissant lui aussi quelques secondes de silence, il demanda autre chose, désignant la motarde endormie :
-
Est-ce qu’elle c’est déjà réveillée ?-
Oui. Elle a eut un accident en rentrant chez-elle, à Anray. Mais elle s’en sortira sans séquelles graves.-
Mais…le chemin d’Anray n’était pas dans le sens de la moto lors de l’accident!Pour la première fois Syllas se tourna vers lui et le regarda dans le fond des yeux. Ce regard semblait tellement fatigué était emplit d’une expression grave et mélancolique. La dernière fois qu’il avait vu cette expression de visage, c’était quatorze ans auparavant, dans la lointaine région des astéroïdes de Stypenyn, lorsqu’ils avaient pour la première fois de l’histoire l’humanité fait face aux Xenos. L’amiral avait compris mieux que quiconque la menace universelle qu’ils représentaient…mais ici le regard avait aussi un éclat particulier en plus. Celui de l’expérience déjà vécue.
-
Ca n’est qu’un détail…nous avons parlé, moi et la jeune femme. Sachez… qu’il ne s’est rien passé.Cette fois-ci il avait tellement appuyé sur la fin de sa phrase que l’accent était passé du grave au métallique. Gregorius se tassa nerveusement dans son siège rembourré. Il commençait à être emplit d’une angoisse inexpliquée et oppressante.
Soudain la voix d’un du chauffeur vint le sauver :
-
Excellence ! Nous arrivons à Ploraff.En effet, les premiers éclairages publiques illuminaient la bande d’asphalte mouillé au dessus de laquelle ils circulaient. Jamais Oresson ne fut si content d’entrer dans un village. Ces lumières jaunes avaient quelque chose de civilisé, de rassurant…
En deux ou trois minutes Lyod Jon trouva le cabinet de médecin local et arrêta le véhicule sur un petit parking pavé. Ensuite il s’empara d’un parapluie sur le siège passager avant, qu’il déplia dehors et fit le tour pour ouvrir la portière de Syllas, qui sortit en dessous tout en mettant sa casquette, avant d’aller lui-même ouvrir l’autre portière et aider l’accidentée ensommeillée à sortir, puis son aide de camp.
Jon verrouilla la voiture même si c’était inutile dans une petite communauté d’un millier d’âmes, avant d’emmener tout le monde sous le parapluie vers le porche. Là, il replia le replia et ouvrit la porte.
L’Amiral suivit des autres pénétra dans le cabinet, et à cet instant, un secrétaire qui buvait son café le recracha et lâcha la tasse qui se brisa avec fracas au sol, la mine soudain blême.
Tranquillement, le ministre s’approcha du comptoir poisseux de café et adressa la parole à l’employé :
-
J’ai envoyé un message il y a vingt minutes. Le médecin est-il là ?-
Heu…amira-…excellence…heu monsieur le ministre, bredouilla le malheureux, intimidé et complètement déboussolé de voir un des chefs de l’état apparaître dans le cabinet de son village perdu, vers minuit, en compagnie d’une blessée grave,
le docteur L-Langlers est dans son… bureau…-
Bien. Dites-lui que nous avons un blessé qui a besoin de soins immédiatement.-
Tout de-de suite…Excellence…Il passa derrière le comptoir en courant, fuyant le regard froid de l’Amiral. Quelques instants plus tard les brides de phrases «
Qui ça !?....tu te fiche de moi !? Merd… » Éclatèrent au loin, et le praticien apparut dans le couloir, la blouse jetée négligemment sur le dos, courant :
-
Amiral ! Excellence...-
Occupez-vous de cette jeune femme, coupa Syllas en désignant la blessée qui, les yeux mi-fermés, se retenait péniblement à un de ses bras et à un du chauffeur.
-
Oui…immédiatement. Emmenez-là ici.Syllas fit signe au chauffeur et au lieutenant de rester en arrière et suivit le médecin dans une pièce dont la porte se ferma brutalement.
* * *
Acreopolis était une grande ville, moderne, bruyante et trépidante.
Oresson était soulagé d’être enfin arrivé ici. Plus de ténèbres encerclant la voiture, plus de forêt encerclant la route, plus de vaste étendue vide autour de sois…
La chambre d’hôtel était vaste, bien meublée et bien chauffée. Satisfait, il s’installa sur un petit divan et s’empara de la micro-télécommande. Après avoir zappé un petit peu, le lieutenant s’arrêta sur la chaîne d’informations Jadéo-Unionienne :
«
…grand festival de la peinture flamande et française actuellement au Musée d’histoire Pré-Unionienne sur Christiansa, en particulier ce chef-d’oeuvre de Van Loo… »
Sur l’écran tridimensionnel l’image d’une toile ancienne représentant un port où des navires à voiles déchargeaient leur cargaison apparut.
« …
Maintenant les actualités de l’Union : c’est pendant une vaste manœuvre militaire d’entraînement de l’armée sur Acre dans la région d’Anray qu’à eut lieu à une catastrophe de grande ampleur : Les lignes électriques locales seraient entrées en contact avec des éléments explosifs et auraient déclenché une explosion dévastatrice qui a rasée le village et les alentours. Malgré l’intervention rapide de l’armée en entraînement à proximité directe, aucun survivant n’a pu être retrouvé. Les autorités militaires, dont l’Amiral Ministre de la Marine Nikolaï Syllas, présent dans la région lors du drame, ont interdit la région pour éviter d’autres accidents. »
Cette fois-ci ce fut l’Amiral Syllas qui apparu, assis à la même table que le gouverneur, s’adressant à la presse :
-
…L’explosion a provoqué de nombreux incendies qui pourraient être dangereux pour d’éventuels bedeaux, la zone restera donc fermée jusqu’à nouvel ordre. Y a-t-il d’autres questions ?La foule de reporters étrangers se mit à crier alors que l’image revenait au studio où la présentatrice enchaîna, impassible :
«
Toujours selon les déclarations du gouvernement, l’incident se serait produit par l’accumulation de pluie dans un creux d’un des sustentateurs qui a produit un court circuit. Le nombre de victimes est estimé à plus de mille cinq cent…À présent les actualités internationales … »
* * *
SyllasTerminé d'écrire le 20/05/07.
[HRP]Voilà: je publie pour une fois ici, après la Bibliothèque (nom propre) dans l'espoir de vous avoir donné quelques instants d'agréable lecture. Pour la bannière...je ne suis qu'un amateur graphiste (très amateur), donc pardonnez-moi si elle est pas terrible.
Pour ce qui ne me connaissent pas (en dehors des section débats et l'arbre des grands événements), c'est mon background habituel que l'on retrouve dans nombre de mes RP (et parfois dans ceux d'autres; clin d'oeil à Rumulus, Berzerker, Artémis et ceux que j'oublie).
Clin d'oeil aussi à Plogoff (29) pour le nom du deuxième village.
Voilà, tout est dit. Je reposeterais peut-être la suite ici (car il y en aura une!), mais elle serait pas dans la catégorie "nouvelles". [HRP]