Seul…encore et toujours ! Le néant, rien, nada, que dalle ! Et merde, je n’ai jamais demandé à être ainsi moi ! Toujours la même chose, j’arrive et tel un pestiféré, j’éloigne la foule ? Pourquoi, bah il y a pas mal de raison : oreilles décollés ? Acné ? Pas « fashion »
? Pas assez « cool »
? Pas assez con peut-être aussi, tant qu’on y est ? Ah oui, et trop sage bien entendu ! Que croyais-je donc ? Ne pas boire, ne pas fumer, ne pas se shooter, ne pas s’envoyer en l’air à tout va, ne pas jouer les caïds en se déchaînant sur les morceaux de tôles que sont les voitures, évidemment qu’ils me regardaient comme un extraterrestre ! J’aurais peut-être dû…rien qu’une fois…Oui, je le ferais, la prochaine fois, j’essaierais tout, à partir de ce soir, je serais un de ces « autres »
! Adieu ma personne, et au plaisir de ne plus te revoir…Ce soir, c’était le grand soir…Voilà quinze jours qu’il n’était plus lui-même. Après avoir fait un détour au centre commercial, où il avait usé toutes ses économies, il avait acheté les mêmes vêtements qu’un fashion…Taille médium pour lui, taille extra large pour le
fashion à la carrure imposante. Ce dernier l’avait regardé d’un œil mauvais, avant d’afficher un sourire mauvais lorsqu’il eut compris le jeu du nabot aux oreilles décollées… Bref, il était
fashion , maintenant. Il avait traité l’acné tant bien que mal, allant jusqu’à voler du produit à la pharmacie, non sans se faire filmer par la vidéosurveillance, mais cela, il ne le savait pas encore…Le pharmacien ne s’était pas rendu compte du vol immédiatement, ne faisant son inventaire qu’une fois tous les mois…Restaient les oreilles, mais un arrangement chez le coiffeur, et elles se voyaient déjà beaucoup moins. Il était fin prêt pour le grand soir, le soir où sa vie allait prendre un grand tournant…
Il arriva à la boîte de nuit vers 22 heure et paya ses dix euros d’entrée…Il passa la première demie heure dans son coin, sirotant un coca cola…Il se rendit compte de son erreur, et commanda quelque chose de fort, dont il ne connaissait pas le nom avant que le serveur le lui dise…Il ne le retint même pas... Il avala le liquide ambré d'une traite et eut une sensation de brûlure pas si désagréable que cela le long de son œsophage, jusqu’à l’estomac…Ce geste lui donna du courage, et il s’avança vers un groupe de jeunes totalement défoncés…Un peu peureux face à ses jeunes déjantés, il reprit confiance lorsqu’une fille le prit par l’épaule en lui lançant :
« tu es qui beau gosse ? ». Il mit du temps à inventer un prénom : il ne resterait pas avec eux…Pourtant, il ne sut comment, il se retrouva avec une cigarette en main, et bien qu’il toussa beaucoup, il se sentit obligé de la finir…Il ne tarda pas à être malade, et sortit. Un jeune aux pupilles dilatées vint lui asséner un coup sur le dos et il eut l’impression que sa colonne se cassait en deux…Se retournant, le garçon éclata de rire avant de lui dire que la cigarette n’était pas bonne, il fallait qu’il tente autre chose…Craignant un nouveau coup, il le suivit…Pendant ce temps, des verres sortis de nulle part lui passaient entre les mains, et il avalait, sans se poser de question…La tête lui tournait légèrement, mais il n’y fit pas attention : il commençait à se sentir comme tout le monde…La musique intensifiait ses battements de cœur, et il avait des bouffées d’adrénaline, son sang bouillait…Lorsqu’une aiguille transperça sa peau pour rejoindre une veine, il prit peur mais n’était déjà plus capable de lutter…
...Il allait exploser, la musique lui crevait les tympans, tout tournait et il avait l’impression qu’on lui martelait le crâne… Il marchait en tombant tous les trois pas, et il dut se tenir aux mur et aux tables pour ne plus perdre l’équilibre…Il ne sentait pas ses genoux écorchés, ni même son coup dans le dos qui tantôt l’élançait…La fille de tout à l’heure vint le rejoindre, et posa sa main à hauteur de son sexe…Il émit un faible :
« non je ne veux pas », mais les hormones n’étaient pas de cet avis, et la fille le sentit au toucher…l’entraînant dans un coin, il ne put résister…La fille lui retira son t-shirt à la mode quand elle s’attaqua à la ceinture…Dans un sursaut de force, il arracha la chemise de la jeune fille…Il ne remarqua pas que la chemise était une de garçon et que donc, sa
« compagne d’un soir » n’en était pas à sa première aventure…Retirant son soutien-gorge, elle prit froid et se jeta contre son corps…Sa tête cogna fort le sol, mais il ne le sentit pratiquement pas, emporté dans son élan…Elle lui défit sa ceinture, et il finit par rentré en elle…Il n’entendait pas la petite voix, son
« moi » presque mort qui lui disait qu’il faisait la plus grosse connerie de sa vie… Non, il était obnubilé par le corps de femme de cette jeune droguée : sa première aventure sexuelle. Il se sentit faiblir, il avait sommeil, mais la jeune fille était insatiable, aussi lui fournit-elle le reste de sa
« dose ». Il ne tarda pas à ressentir à nouveau cette impression d’exploser, mais cette fois-ci, tout lui parut lointain…La musique émettait des battements sourds. A moins que ce soit les battements de son cœur ? La fille qui ne remarquait rien et se laissait aller à son plaisir sexuelle jouissait et ce bruit ne lui semblait pas naturel, ça ressemblait à un affreux rire, une moquerie, une salissure…Il ferma les yeux, et la dernière chose qu’il vit et sentit, c’est le retrait de la jeune fille, son cri d’horreur et la fraîcheur de la nuit qui ne tarda pas à l’envelopper…
A son réveil, il vit un képi, une étoile : un policier…On lui tenait la main : ses parents. Quelques heures plutôt, il avait cru entendre le mot
« overdose », le mot
« vol » suivit de
« pharmacie » ainsi que…
« viol ». Il comprit que son
« moi » n’était pas mort, il n’était plus l’autre, mais les conséquences de ses actes, c’est lui qui allait les payer…Lorsqu’il entendit :
« séropositif », il décida de ne plus ouvrir les yeux. La nuit venue, il retira la perfusion, et sortit en blouse blanche de sa chambre…Il allait prendre l’ascenceur qui tardait à venir lorsqu’une infirmière l’interpella. Il prit peur et s’enfuit, empruntant l’escalier, où il rata une marche, dévalant celles restantes…Il sentit la douleur de son corps, et vit tout au ralenti…mais quand sa tête heurta le sol, tout se coupa, il fit tout noir : c’était fini.