[Une histoire plus très jeune, de l'époque où tu m'inspirais, de l'époque où j'écrivais.]
CHU Nancy-Brabois. Dimanche 24 Décembre 2006. 11h 30.
« Bonjour monsieur, voici votre repas. Bon appétit, et n’hésitez pas à sonner si vous avez un problème. » Si j’ai un problème ?! J’en ai plus qu’un de problèmes mon p’tit gars sinon, je ne serais pas là ! Bref, mon cerveau agonisant ferait mieux de se taire. Dinde aux marrons et salade de pommes de terre. Plutôt pas mauvais, mais j’ai franchement pas faim. Passer Noël à l’hosto, vous parlez d’un cadeau !
Fini de manger. Je crois que je vais essayer de dormir un peu, la douleur est trop forte. Le chirurgien a dit qu’il me fallait beaucoup de repos maintenant. Et puis, comme je n’ai rien à faire et que les programmes télé sont nuls, autant profiter de ce « repos » forcé…
« Bonsoir mon cœur » J’ouvre un œil. L’autre. Je les referme. « Tu veux que je te laisse ? » Je me réveille un peu. C’est bien elle. « Non, reste Christa, je t’en prie. » « Comme tu veux mon cœur. Je suis venue voir comment tu allais et t’apporter ton cadeau avec un peu d’avance… » Je ne pouvais pas rêver plus beau Père Noël. « Le fait que tu sois là est déjà un cadeau en soi ma princesse. » Nul. Pathétique. Enfin, reprends-toi bon sang ! « Tiens, voilà ton 1er cadeau… » Un paquet. J’ouvre. Un traité sur la littérature grecque. Faisons semblant d’être heureux. « Et voilà ton 2ème cadeau … » Un autre paquet. Encore un livre. Reliure en cuir, très belle, genre carnet de voyages. Pas de titre. « J’espère qu’il va te plaire », me dit-elle d’une toute petite voix. Voyons voir ça… Une dédicace sur la 1ere page : « A mon cœur, ich liebe dich » Au moins 500 pages, à vue de nez. Une écriture manuscrite un peu brouillonne, celle de ma princesse, je la reconnais entre milles. Je survole les lignes, parcours les pages en diagonales. Mes yeux se brouillent. La douleur dans mon crâne est lancinante, mais dérisoire à coté de mon cœur. Le vrai celui-là, enfin, tout du moins, celui qui est encore dans ma poitrine. Je ne sais pas quoi te dire Christa. Je t’aime ? Tu ne me croirais plus. Merci ? Trop simple. « De rien Paul… » Ta manière de comprendre tout ce que je ne dis pas. Tu es merveilleuse. « Tu peux me lire à voix haute ? », demande ta voix douce d’enfant. Bien sur ma princesse, bien sur. Je mets mes lunettes, et commence la lecture.
Il est 15h 42 à la pendule du mur. Et tu dors tel un ange épuisé. Recroquevillée dans ton fauteuil, dans une de mes chemises à carreaux bien trop grandes pour toi. Heureuse, calme et apaisée, pour la 1ère fois je crois. Je t’aime.