Ils avaient les pires difficultés à exprimer, parce qu’authentiques, ils ne parlaient qu entre eux et n avaient pour seule condition, leur Genre Humain…
Leur vue sur le monde était très limité, les paysages offerts d’odeurs et de bruits n’avaient de saveur que torpeur et ennuis. Ils vivaient en autarcie depuis des lustres et ces mêmes lustres ne les instruisaient plus…
Dans leur genre, nous ne trouvions guère mieux, ordureux à souhait, odorant nauséabond
et boutonneux fiévreux étaient leurs attributs de principe, nous ne pouvions pas nous méprendre.
Je m’en souviens comme d’hier, le plus affolant, était bien de les avoir vu s’attabler, un jour, un soir, que dis je, une nuit entière à se baffer de victuailles en tous genre, à se jeter comme des bêtes affamés sur des pics de bouffes qu on leur servait à volonté.
Ils entraient alors en scène comme en transe et décervelé comme l agneau présenté, ils se battaient de ci de là pour une cuisse de gigot, pour un morceau de volaille, une purée de pois… L’ambiance sanguinaire et désinvolte introduisait l’impotence:
Les Gloutons famélique donnaient sentence.
Il y avait d’abord
Hinguelfield, le père, énorme et massif, le plus immonde de la famille. Incapable de se mouvoir, il pourrissait tranquillement sur son trône de descendance et d’impudence, sur sa lignée de porcs et de crasseux à avaler tout ce qui représentait à son antre profil de denrée...
Ensuite en retrait,
Destarhope, l’aîné le plus grand, le plus fin, il menait la vie dure au quartier… il raffolait de tout ce qui avait plus ou moins support de restes, foie, cœur, cervelle et j en passe, il en était devenu absurde et ne tolérait pas qu’on l’observe à se goinfrer sous peine des pires représailles…
Omnipotent aussi sur la scène des représentations, les jumeaux ne laissaient pas non plus leur part au chien…
Chlétor et
Franlong plus volumineux l’un que l autre, et violents comme pas deux, se retrouvaient régulièrement au couvert ensemble à se disputer le bout de gras de l’autre. Ils étaient particulièrement violents, malodorants, acnéens et poisseux en relief comme en replis…l’histoire raconte qu’un jour il aurait éclos une petite pousse de jeune fille de quelques mois au sein du cercle familial,
Malia, mais qu’elle n’aurait pas survécu a la sauvagerie de l’une de ces soirées de « fines gueules »… soirées de disette…
Puis enfin dans la lueur du piètre spectacle, au-delà de toutes espérances , s’exhibent à mes yeux ébahis, à mon souffle coupé, l’incarnation de la présence de feu, la Mère, celle là même improbable à mes yeux de pauvre pêcheur…
Saramiah expose, mon cœur en prose.
De perçantes pupilles aux couleurs de printemps, suspendue à des cils aux éclats de diamants, d’interminables ongles au bout de longues phalanges en corne de Gazelle buvant au Nord du Gange, De gais cheveux aux vent mordant à l’eau de sel, brossés au pinceau fin de plume et de flanelle… La féerie des contes enfantins prennait sens et je pouvais alors m’en remettre aux souhaits de Morphée et me rendormir en paix…
Et depuis, lorsque les précipices de la vie nocturne m’emportent dans les méandres des profondeurs, lorsque le poul s’agite, s’affole à terrifier mon coeur, l’écueil du cauchemar trouve toujours l’ issue favorable, le doux souvenir de
Saramiah m’empare.