La Terre tremble. Des morts jonchent les rues. Au milieu de ce qui était autrefois une place, deux personnes pleurent et crient. Elles s'accrochent l'une à l'autre, espérant mourir côte à côte. Un bruit retentit. Le silence arrive soudain, laissant derrière lui les deux cadavres sur le sol. L'obus est tombé à quelques mètres d'eux seulement.
Les ruines remplacent les bâtiments. La mort s'empare de la vie. Le jour cède sa place à une nuit éternelle. Un espoir émerge enfin, une lumière transperce le noir du chaos.
Une petite fille, innocente, marche au milieu de la rue. Ses minuscules sandalettes roses guident ses pas incertains. Elle pleure. Une peluche est écrasée entre son bras droit et son omoplate. Elle la serre terriblement fort, avec toute la volonté d'une enfant. Elle continue son périple, contournant des cadavres par-ci par-la. Puisant son courage au fond d'elle même, elle continue là ou tout le monde se serait arrété.
Plusieurs soldats discutaient, à quelques mètres seulement. Ils s'arrêtèrent brusquement lorsque la fillette fit irruption au milieu du cercle que formait leur groupe. Elle prit la parole, d'une voix aiguë et posée :
-Pourriez vous me prêter une pelle s'il vous plait ?
Les soldats rirent en coeur. Celui qui semblait être leur supérieur hiérarchique prit la parole :
-Vas-t'en gamine, avant qu'il t'arrive malheur. On ne prète rien ici.
Un soldat coupa la parole à son supérieur dépité :
-Tu peux en acheter une si tu veux...Viens par là...
L'homme sale et répugnant s'approcha dangeureusement de la petite fille, dans le but de l'abuser sexuellement. Les autres soldats grommelèrent:
-Elle a même pas dix ans ! T'es horrible Jean !
La petite fille, qui semblait ne se soucier de rien, rétorqua aux soldats d'un ton innocent :
-J'aimerais vraiment que vous me donniez une pelle. Mes parents sont là bas, par terre. Mon devoir est de leur offrir une mort décente et des funérailles. Les laisser ainsi serait un sacrilège.
L'homme aux cotés pervers, se rapprocha encore de la fillette, et lui chuchota à l'oreille :
-Tes parents étaient des bons à rien ! Ils se sont fait tuer par un obus alors qu'ils tentaient de s'enfuir. Ils t'auraient laissé crever là quoi qu'il arrive. Ce sont des bons à rien, te dis-je !
La petite fille émit un soupir, et un grand sourire apparut sur ses lèvres. Elle retira la peluche de son étreinte. Cette peluche était un bisounours rose et très vieux, qui laissait apparaitre de multiples cicatrices de son âge. La fillette plongea sa petite main dans un trou de tissu. Elle faisait ça avec une douceur et une attention extrême, on aurait pu croire qu'elle effectuait une opération chirurgicale sur sa peluche. Elle ressortit enfin sa main. Ses doigts tenaient une grenade. Elle laissa tomber sa peluche, et avec sa deuxième main elle dégoupilla l'objet meurtrier.
"La vengeance est un plat qui se mange froid. Mais faut-il encore savoir le déguster à temps"